MisTigation : Conjuguer qualité de l’eau et production de miscanthus ? Exemple des Hauts-de-France.
“Quelles sont les zones les plus cohérentes pour des projets de plantation de miscanthus ?” Cette question a fait l’objet d’un travail de cartographie mené par Novabiom dans le cadre du programme de recherche MisTigation « le miscanthus pour atténuer le changement climatique », et s’adresse aux collectivités territoriales.
Qualité de l’eau, érosion, stockage carbone…
Le miscanthus, plante pérenne et sans intrants, à forte production de biomasse, répond à plusieurs enjeux des collectivités : source d’énergie bas-carbone, protection des sols et de la qualité de l’eau, protection contre l’érosion etc.
Par exemple, le miscanthus est utilisable en combustible dans les chaudières biomasses, comme à Bernwiller dans le Haut-Rhin ou à St-Jean-de-Bournay en Isère. Les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), qui sont des obligations pour les EPCI (établissement public de coopération intercommunale) de plus de 20 000 habitants, doivent répondre aux objectifs de réduction de l’émission des gaz à effets de serre (GES), d’adaptation au changement climatique et d’amélioration de la qualité de l’air. Les collectivités territoriales ont aussi les compétences sur l’aménagement et l’exploitation d’installation de production énergie à partir de ressources renouvelables et sur l’aménagement de réseaux de chaleurs (combustion de déchets et de résidus). Ainsi, l’utilisation de miscanthus, combustible renouvelable, local et stockant du carbone dans le sol au cours de sa croissance, rentre dans les objectifs des PCAET.
Autre exemple, l’implantation de bandes de miscanthus de quelques mètres de large apporte une bonne solution aux problématiques d’érosion. Le programme Innobioma en Seine-Maritime a réalisé une étude détaillée sur l’effet des bandes de miscanthus contre l’érosion.
Une culture bas-niveau d’intrant sur les aires d’alimentation de captages
Sur les aires d’alimentation de captage (AAC ; zone sur laquelle toute l’eau qui s’infiltre alimente le captage) le miscanthus, en tant que culture bas-niveaux d’intrants, participe à la préservation de la qualité de l’eau. C’est donc une des cultures à favoriser sur les AAC classées prioritaires au titre du Grenelle de l’environnement [1], sur lesquelles les collectivités doivent mettre en place un plan d’action.
Cartographier les zones d’intérêts pour l’implantation du miscanthus
Dans le projet MisTigation, nous avons répondu à la question « quelles sont les zones optimales pour implanter du miscanthus ? ». Par zone optimale, on entend zones avec des enjeux environnementaux – c’est-à-dire zones sur lesquelles le miscanthus rend des services environnementaux ou apporte une solution – et sols agricoles adaptés au miscanthus.
L’étude porte sur la région Hauts-de-France et sur le service environnemental de la protection de la qualité de l’eau. Le principe est le suivant : sur SIG (système d’information géographique), croiser les couches « sols à usage agricoles », « sols avec un bon potentiel agronomique pour le miscanthus (rendement supérieur à 13 tMS/ha) » et « sols sur les AAC ».
Des sols d’AAC prioritaires majoritairement favorables au miscanthus
58% de la SAU des AAC prioritaires ont des sols favorables au miscanthus, ce qui correspond à 217 378 ha au global sur la région Hauts-de-France. En considérant également les AAC non prioritaires, 387 619 ha de la SAU des AAC est favorable au miscanthus [2]. A cette échelle, on travaille sur l’ensemble de l’AAC. Toutefois il faut garder en tête que certaines zones des AAC sont plus sensibles aux pollutions diffuses (périmètres de protection et zones de dilutions), ces zones sont donc à privilégier pour les plantations. La valeur agronomique des sols est relativement peu limitante dans ce cas d’étude, ce qui est cohérent avec la rusticité du miscanthus et la qualité des sols des Hauts-de-France.
Certaines zones à enjeux sur l’eau sont moins favorables agronomiquement au miscanthus. Pour autant, le miscanthus est cultivable sur ces zones, en prenant en compte leurs propriétés. Si le risque d’implantation est élevé, la préparation de sol doit être parfaitement maîtrisée. Si le potentiel de rendement est faible, il faut que la plantation reste rentable économiquement, ce qui passe par un prix de rachat des copeaux suffisamment élevé.
On peut donc considérer que, sur ces zones de captage sensibles, le miscanthus produit de la biomasse et un service environnemental.
Et ensuite ?
Aujourd’hui, 1000 à 1500 ha de miscanthus sont plantés chaque année en France métropolitaine, pour un total d’environ 11 000 hectares implantés en France depuis 2007. En comparant les surfaces potentielles pour l’implantation du miscanthus et les surfaces effectivement plantées chaque année, on comprend qu’il est pertinent de privilégier les plantations sur ces les AAC prioritaires, et en particulier les zones les plus sensibles des AAC.
En résumé, dans le cas des Hauts-de-France, comme les zones à enjeux sur l’eau sont sur des sols majoritairement favorables au miscanthus, il est souhaitable d’optimiser les services que la culture peut rendre, et donc de l’implanter sur les AAC.
Pour les collectivités, l’enjeu est la création de filières locales : gestion du problème de qualité de l’eau de concert avec le remplacement de chaudières à énergie fossile par des chaudières à biomasse, c’est-à-dire en proposant un débouché local et motivant pour les agriculteurs.
Cette démarche de cartographie est réplicable à d’autres échelles et pour d’autres enjeux environnementaux.
Enfin, cette carte sera utilisée dans la suite de MisTigation pour tester des scenarios climatiques futurs et modéliser le comportement du miscanthus sur les zones optimales pour la production de biomasse et la protection de la qualité de l’eau.
[1] Les AAC prioritaires sont les AAC les plus sensibles au pollutions diffuses : nitrate et produits phytosanitaires. Les normes de potabilités sont : moins de 50 mg/l de nitrates, et moins de 0.50 µg/l de produits phytosanitaires, avec chaque produit ayant une concentration inférieure à 0.10 µg/l, sauf pour l’aldrine, dieldrine, heptachlore et heptachloroépoxyde, dont les concentrations doivent être inférieures à 0.03 µg/l.
[2] Ces valeurs dépendent des approximations faites sur les surfaces des AAC non renseignées.